Thollon-les-Mémises est une commune de 800 habitants, distante de 15 kilomètres d’Evian-les-Bains, qui domine la rive sud du lac Léman. Il s’agit d’un village de moyenne montagne, situé entre 900 et 1 000 mètres, relié à un domaine skiable en altitude, entre 1 600 et 1 900 mètres, par téléphérique ou télécabine. La gestion de son domaine skiable est déléguée à la SATEM-SEREM, société d’économie mixte détenue à 85 % par la commune, qui a connu par le passé d’importantes difficultés.
Un domaine skiable dont la situation s’est améliorée sous l’effet d’investissements significatifs, financés par le contribuable local
Depuis le début des années 2010, la commune a mené une campagne d’investissement importante afin de rénover des installations alors vétustes, d’augmenter le chiffre d’affaires et d’adapter l’offre touristique à la diminution de l’enneigement. Elle a procédé au remplacement de la télécabine, au réaménagement du télésiège du Parchet, à la restructuration de la porte du domaine skiable (gare supérieure, aménagement d’un restaurant) et à l’installation d’enneigeurs. Ces travaux ont permis d’accroitre le chiffre d’affaires du délégataire, et d’améliorer sa situation financière. La SATEM-SEREM est aujourd’hui capable de rembourser la commune de ses sauvetages passés et de lui verser une redevance d’occupation du domaine publique (redevance du fermier) plus importante (200 000 € en 2022, contre 50 000 € en 2018).
Ces investissements ont été assez largement subventionnés, ce qui a permis d’accélérer leur réalisation. Le reste à charge a été fortement financé par le budget principal de la commune, c’est-à-dire par le contribuable local, constitué pour la plus grande partie par les résidents secondaires (90 % de l’amortissement des biens est assuré par les contributions du budget principal). La redevance versée par le délégataire reste en effet très insuffisante pour financer les investissements. En d’autres termes, lorsqu’il paie le montant de son forfait de ski, l’usager paie l’exploitation courante du service des remontées mécaniques, mais il ne finance que marginalement les investissements.
Le service des remontées mécaniques bénéficie de subventions importantes du budget principal, mais qui ne remettent pas en cause la solvabilité de la commune
Le délégataire du service public des remontées mécaniques n’atteint ainsi que le « petit équilibre », c’est-à-dire le seul équilibre d’exploitation, hors dépenses d’investissement. Les investissements sont portés par la commune et retracés dans son budget annexe des remontées mécaniques. L’équilibre de ce budget repose très largement sur les subventions du budget principal, comme le montre le graphique ci-dessous.
Ces subventions n’ont pas remis en cause l’équilibre financier de la commune. En effet, son endettement reste contenu. Sa capacité de désendettement consolidée, qui mesure l’aptitude de la commune à rembourser sa dette si elle y consacrait toute son épargne, est satisfaisante (comprise entre cinq et sept ans). Les ressources fiscales de la commune sont d’ailleurs indirectement alimentées par le domaine skiable, qui contribue à l’attractivité de la commune, et à la présence de résidences secondaires, sources de taxes foncière et d’habitation.
De plus, les relations avec le délégataire ne traduisent pas une relation déséquilibrée au détriment de la commune, dont les intérêts patrimoniaux sont proches de ceux de son délégataire, dont elle est l’actionnaire principal.
Toutefois, cette situation reste fragile. Les recettes du domaine skiable et la situation de la société d’économie mixte (SEM) sont très dépendantes de l’enneigement, dont les perspectives sont incertaines en raison du réchauffement climatique. La commune devra sur ce point s’attacher à recueillir des prévisions d’enneigement assises sur des données météorologiques beaucoup plus circonstanciées avant de programmer ses futurs investissements. Elle doit également veiller à préserver sa capacité à faire face à des chocs externes comme la hausse des coûts de l’énergie, ainsi qu’à décider la réalisation d’autres investissements sur le budget principal.
La commune doit améliorer le cadre juridique et contractuel de gestion du service des remontées mécaniques
Les domaines d’interventions respectifs du délégataire et de la commune se sont progressivement adaptés aux réalités techniques et financières, mais s’avèrent aujourd’hui en décalage avec les stipulations contractuelles qui régissent leurs relations. Le contrat de délégation de service public (DSP) devrait ainsi être précisé en ce qui concerne la distinction entre le renouvellement des biens et les investissements nouveaux et la sécurité des pistes. Il conviendrait également de procéder à un véritable inventaire des biens mis à disposition de l’exploitant.
Par ailleurs, les contributions versées par le budget principal au budget annexe des remontées mécaniques posent problème au regard de la règle d’équilibre financier des services publics industriels et commerciaux, selon laquelle ces services doivent être financés par les usagers et non par les contribuables. La commune peut entrer dans le cas de dérogation prévu par l’article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) pour le financement d’investissements qui ne peuvent être réalisés sans une augmentation excessive des tarifs. Néanmoins, elle doit étayer le lien avec les investissements qu’elle réalise, davantage qu’elle ne le fait dans ses délibérations. De plus, le financement de ces investissements, s’il peut être pluriannuel, ne doit pas être pérenne. La commune doit dès lors s’attacher à réduire effectivement ses contributions au budget annexe des remontées mécaniques, comme elle prévoit de le faire d’ici à 2029 dans ses délibérations.
En outre, la sous-évaluation de la redevance, dont la subvention d’équilibre est le pendant, constitue une aide économique à la SATEM-SEREM qui doit respecter le monopole de la région en la matière, ainsi que les conditions posées par le droit de l’Union européenne.
RECOMMANDATIONS
- Recommandation n° 1 : Établir l’inventaire valorisé et actualisé des biens mis à disposition.
- Recommandation n° 2 : Formaliser contractuellement les évolutions intervenues dans l’exploitation du domaine skiable (répartition des charges, sécurité des pistes, autorisations de passage).