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La fiscalité nutritionnelle

CPO

Dans son rapport publié en février 2023 « La taxe sur la valeur ajoutée (TVA), un impôt à recentrer sur son objectif de rendement pour les finances publiques », le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) rappelait que le cadre de la TVA, conçu selon un raisonnement par grandes catégories de biens et de services, ne permettait pas une modulation efficace de la taxation en fonction de l’impact nutritionnel d’un aliment. En revanche, d’autres taxes visant spécifiquement à améliorer la qualité nutritive des aliments et boissons consommés constituent un levier pertinent de fiscalité comportementale. Tel est l’objet de cette note approuvée par le CPO dans sa séance du 13 juillet 2023 et qui formule deux recommandations.

La présente note a pour objectifs de dresser un panorama de la fiscalité applicable spécifiquement aux boissons et aliments (hors TVA), d’examiner en particulier l’efficacité de la fiscalité nutritionnelle, soit en France les contributions sur les boissons sucrées et édulcorées, et d’étudier ses pistes d’amélioration et d’extension.

La fiscalité française sur les produits alimentaires présente peu de cohérence en matière de santé publique

A côté de la TVA s’est construite une fiscalité alimentaire spécifique, portant uniquement sur les boissons. Les boissons alcoolisées sont assujetties à des accises, selon le type de produit et, pour certains d’entre eux, leur titrage alcoométrique :  ces impôts ont généré 4,3 Md€ de recettes en 2022. Les boissons non-alcoolisées sont soumises à la contribution sur les boissons sucrées, la contribution sur les boissons édulcorées et la contribution sur les boissons non alcoolisées, qui ont rapporté 0,5 Md€ en 2022.

Un rapport public thématique de la Cour des Comptes de 2016 mettait en lumière l’absence de cohérence de la fiscalité sur les boissons alcoolisées et préconisait le relèvement des droits d’accise afin de contribuer à réduire les consommations à risque.

En France, la fiscalité nutritionnelle se limite aux contributions sur les boissons sucrées et sur les boissons édulcorées toutes deux créées en 2012, et affectées à l’assurance maladie. Le barème de la contribution sur les boissons sucrées a été refondu en 2018 pour le rendre progressif en fonction du taux de sucres contenu dans la boisson. En dépit de cette réforme, la taxe française demeure moins ambitieuse que le barème britannique entre 50 et 130 g/L. La contribution sur les boissons édulcorées n’a pas été réformée et représente un montant forfaitaire minime (3,17 €/hectolitre).

Sous réserve d’un ciblage pertinent, la fiscalité nutritionnelle constitue un outil efficace pour améliorer la qualité de l’alimentation des citoyens.

Une littérature économique fournie montre que la fiscalité sur les boissons à base de sucres ajoutés conduit à une augmentation des prix des boissons ciblées et à une diminution des ventes, d’autant plus marquée parmi les personnes en situation de surpoids et d’obésité. En France, l’évaluation empirique de l’impact de la réforme de 2018 est en cours sous l’égide du ministère de la santé, avec des conclusions prévues pour l’automne 2023.

Si l’acceptabilité de la fiscalité nutritionnelle peut être limitée, a fortiori pour les catégories socioprofessionnelles les plus modestes, celle-ci ne pèse sur le budget des ménages que s’ils ne peuvent pas modifier leur panier de consommation. Surtout, en réduisant davantage leur consommation de produits peu sains, ce sont aussi les plus modestes qui voient la qualité de leur alimentation s’améliorer davantage avec des effets positifs sur leur état de santé.

Une taxe nutritionnelle insuffisamment ou mal ciblée est néanmoins susceptible d’avoir des effets limités, voire adverses, en raison des substitutions parfois difficilement prévisibles opérées par les consommateurs.

Plusieurs pistes de renforcement de la fiscalité nutritionnelle peuvent être envisagées, en complément d’autres leviers de politiques publiques

Des ajustements de la fiscalité nutritionnelle pourraient permettre de réduire la consommation des produits les plus gras ou sucrés. L’outil fiscal doit être utilisé de façon complémentaire avec d’autres politiques publiques, de manière à ne pas faire reposer la contrainte uniquement sur le consommateur, par exemple en jouant sur la réglementation du contenu des aliments et en renforçant l’information sur la nocivité des produits les plus néfastes et sur les substituts possibles.

À court terme, le CPO recommande de rendre plus efficace la fiscalité nutritionnelle existante en tenant compte des résultats de l’évaluation en cours, par exemple en augmentant les barèmes des contributions sur les boissons sucrées et édulcorées et en élargissant l’assiette aux boissons à base de soja, voire aux sirops.

À moyen terme, le CPO recommande d’étudier l’extension du champ de la fiscalité nutritionnelle au-delà des boissons en ciblant les produits sucrés ou contenant des additifs nocifs pour la santé.

En revanche, l’institution d’une taxe globale sur la qualité nutritionnelle des produits à partir du Nutri-Score, paraît à ce jour hors de portée pour le CPO dès lors qu’elle nécessiterait une généralisation de celui-ci et la mise en place d’une toute autre infrastructure d’administration et de contrôle.

Quelle que soit l’option choisie, l’élargissement du périmètre de la fiscalité nutritionnelle est soumis à certaines conditions. La taxe ne doit pas être calibrée en fonction de son seul rendement à court terme mais aussi des économies de dépenses publiques, en l’occurrence de santé, qui peuvent résulter de l’évolution des comportements. L’existence d’une offre de substitution, sous la forme de produits plus sains abordables pour les familles les plus modestes, est nécessaire pour faciliter l’acceptabilité sociale dans le contexte inflationniste actuel.

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