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Société par actions simplifiées (SAS) Somanor - Caen (Calvados)

CRC NORMANDIE

La chambre régionale des comptes Normandie a examiné la gestion de la SAS Somanor pour les années 2008 à 2016.

Synthèse

La SOMANOR est une société par actions simplifiée dont les actionnaires sont deux sociétés d’économie mixte (SENACAL et SENAMANCHE) et l’armateur Brittany Ferries. Son objet social est d’acquérir et de financer des navires affrétés à Brittany Ferries, pour assurer des liaisons entre les ports de Caen-Ouistreham d’une part, Cherbourg d’autre part, et la Grande-Bretagne. Les collectivités locales (région Normandie, départements du Calvados et de la Manche). sont membres des SEM, dont l’unique objet est de servir de support juridique à leur intervention et qui sont elles-mêmes membres de la SOMANOR. La légalité de l’intervention des départements dans ce montage juridique n’est pas établie, en raison de la suppression récente de leur clause de compétence générale et de la perte de leur compétence économique. Le tourisme restant une compétence partagée entre collectivités, et le transport maritime Transmanche ayant un impact touristique indéniable, cette compétence pourrait servir partiellement de support juridique à leur intervention, pour autant que les collectivités s’y inscrivent explicitement.

L’unique raison d’être de la SOMANOR est de permettre aux collectivités locales de participer indirectement au financement de navires affrétés à l’armateur. Le principe de la coopération entre les parties repose sur le versement, par Brittany Ferries, d’un loyer d’affrètement globalisé qui couvre l’ensemble des charges supportées par la SOMANOR. Sur toute la période contrôlée, soit depuis 2008, la participation des collectivités au dispositif ne s’est pas matérialisée par des versements de subventions ou d’aides en numéraire ou en nature mais par la participation aux emprunts de financement du seul navire acquis sur cette période, le Cotentin. C’est en étant indirectement co-emprunteuses, et en se portant indirectement caution, que les collectivités apportent leur soutien à l’achat de navires. La seule exception à l’intermédiation des SEM réside dans les avances remboursables accordées en 2016 par les collectivités pour la mise aux normes des navires.

Le risque d’exploitation et commercial des quatre navires de la flotte est transféré à Brittany Ferries, qui s’est par ailleurs engagée à payer le loyer d’affrètement indépendamment des conditions d’exploitation des navires. Dans le contexte économique et commercial récessif des années 2008 et suivantes, les contraintes de rentabilité de la compagnie ont abouti à ce que les navires achetés par la SOMANOR pour être affectés au départ de Cherbourg, ne l’ont été que partiellement, voire ont été affectés à des lignes sans lien avec la Normandie. Le Cotentin est ainsi sous-affrété, depuis 2013, à un armateur étranger sur une ligne non normande. Ces décisions ont été validées par la SOMANOR et n’ont pas eu d’effet sur les comptes mais elles posent la question de la légitimité de l’intervention des collectivités dans le financement de navires non affectés en Normandie.

D’un point de vue financier, l’investissement des collectivités dans le Transmanche est une opération qui présente peu de risques. Elles sont indirectement propriétaires de navires dont la valeur de marché pourrait être globalement supérieure à la valeur nette comptable. En cas de liquidation de la société, elles récupéreraient leur capital initialement investi et un éventuel bénéfice de la revente des navires. Ce constat dépend toutefois des conditions du marché de la vente de navires d’occasion, fluctuant et dépendant de nombreux aléas extérieurs. De plus, la viabilité financière du dispositif repose sur la capacité de Brittany Ferries à verser le loyer, donc sur la bonne santé financière et commerciale de l’armateur. Enfin, les lignes maritimes génèrent un afflux de passagers britanniques en Normandie, dont l’impact touristique et économique est estimé à 102 millions d’euros (M€) en 2015.

En l’état actuel du marché et des conditions d’exploitation du Transmanche, le soutien financier des collectivités à celui-ci est donc une opération favorable. Ce constat doit cependant être tempéré par les possibles conséquences des relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne sur les liaisons maritimes Transmanche. Ses effets et la capacité de l’armateur à les absorber sont une source de risques réels et difficilement mesurables pour la SOMANOR.