Synthèse
Le syndicat mixte Ports Normands Associés (PNA) a délégué, par contrat du 1er janvier 2009, la gestion du port de commerce de Cherbourg à une société dédiée, Port de Cherbourg, dont les actionnaires sont la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Cherbourg-Cotentin, gestionnaire historique du port, et Louis Dreyfus Armateurs.
Il ressort de l’examen des conditions de mise en œuvre de ce contrat que la gestion du port par la société délégataire ne s’est pas accompagnée d’un contrôle suffisant de ses obligations contractuelles par l’autorité délégante.
La gestion du port « Ouest » a été confiée au délégataire pour une durée de douze ans, celle du port « Est », d’une durée initialement limitée à trois ans, ayant été prorogée d’une année. Le syndicat mixte a ainsi repris la gestion du port Est en 2013, pour la confier à une autre société, la SPEC, au sein de laquelle il a pris 90 % du capital et la CCI 10 %.
Alors que ces deux périmètres distincts figurent dans un unique contrat de délégation de service public, des carences sont relevées dans l’identification des charges rattachées à l’un ou l’autre périmètre, en particulier en ce qui concerne le lamanage et le remorquage. Ainsi, depuis la fin de la délégation de la partie Est, Port de Cherbourg n’assume plus la compétence de remorquage sur le port Ouest, alors que celle-ci figure toujours au contrat. Il en découle que les charges afférentes à cette mission ne pèsent plus sur la société depuis 2013, sans que cela ait donné lieu à un rééquilibrage financier du contrat.
Les conditions dans lesquelles le délégataire a ensuite confié la gestion d’une partie du port Est à la société Cherbourg Terminal Vrac appellent également des observations. Cette société, dont les actionnaires sont ceux de Port de Cherbourg, a été constituée pour développer le trafic de vrac et charbon. La convention d’occupation temporaire du domaine l’autorisant à exercer son activité sur le domaine public, n’a été signée qu’en mars 2010. Par ailleurs, cette société a bénéficié en 2010 et 2011 de prestations administratives et financières assurées par la CCI de Cherbourg-Cotentin et intégralement facturées à Port de Cherbourg, ainsi que de la mise à disposition permanente de personnels salariés par cette dernière, qui a supporté seule l’indemnité de départ de l’un d’eux. Enfin, Port de Cherbourg et Cherbourg Terminal Vrac ont décidé de ne pas faire application d’un dispositif de pénalités financières initialement mis en place au titre d’engagements en matière de trafic charbon, ce qui a eu pour effet de priver les comptes de la délégation d’une recette potentielle de 819 000 €.
La situation financière du délégataire a été affectée, jusque fin 2012, par la très faible activité du port Est et par l’importance de ses charges de personnel, au regard du chiffre d’affaires. La reprise de la gestion du port Est par le syndicat mixte a permis à la société délégataire de dégager des bénéfices cumulés de plus d’un million d’euros sur les exercices 2013 à 2015, alors que les activités génératrices de pertes ont été transférées aux collectivités publiques.
Par ailleurs, de nombreuses subventions ont été octroyées par le syndicat mixte à la société délégataire, pour un montant total de plus de 2,6 millions d’euros (M€), de 2010 à 2015. Les conditions dans lesquelles certaines d’entre elles ont été attribuées apparaissent juridiquement incertaines, au regard du droit européen, en matière d’aides publiques, ou encore au regard des obligations contractuelles du délégataire et des décisions de l’assemblée délibérante du syndicat mixte.
Ces compensations financières ont répondu à des considérations d’équilibre financier à court terme des comptes du délégataire, déconnectées d’une évaluation globale de l’équilibre de la délégation, qui ne peut s’apprécier que sur une durée de douze ans. Elles n’ont pas donné lieu à renégociation des termes du contrat de délégation, en particulier sur le terrain des obligations de service public. Elles conduisent à minorer fortement le niveau de risque que devrait supporter la société Port de Cherbourg dans le cadre d’un contrat de délégation de service public. Au vu des excédents cumulés de la société Port de Cherbourg à fin 2015 – + 925 000 euros (€) depuis 2010 – et dans la perspective de l’échéance de la délégation en 2021, PNA devra renforcer son expertise sur le contrat afin de s’assurer de la conformité aux stipulations contractuelles.