SYNTHESE
La chambre a examiné pour la troisième fois la gestion du syndicat mixte pour la promotion de l’activité transmanche (SMPAT). Les travaux ont porté sur les exercices 2007 et suivants, tant sur la gestion interne que sur le pilotage de la délégation de service public (DSP).
Sur la gestion interne du syndicat
Les constats des précédents rapports de 2001 et de 2007 sur les interrogations concernant l’application des règles de droit, la complexité du montage juridique, le financement particulier de la flotte porteur d’importants risques futurs, sont toujours d’actualité.
Les droits et obligations du conseil général de Seine-Maritime, fondateur et principal financeur du SMPAT, se sont renforcés au sein d’un syndicat compte tenu du départ de plusieurs des membres. Le syndicat n’a pas réussi à développer son attractivité et apparaît comme dépourvu de véritable stratégie alternative depuis la mise en place de la gestion déléguée.
La situation budgétaire est tendue, sur fond de débat d’orientation insuffisamment documenté. La situation financière est difficile. La dégradation tendancielle des résultats s’est poursuivie avec le passage en gestion déléguée. Le budget annexe, relatif à l’exploitation de la ligne Dieppe-Newhaven, affiche un déficit structurel persistant et croissant causé par une compensation de service public versée au délégataire en croissance et à la hausse continue des charges de remboursement de la dette. Le retour à l’équilibre ne pourra se faire que par une hausse des participations statutaires ou par une baisse des charges liées à l’exploitation. La fiabilité des comptes est largement perfectible, l’image de la situation patrimoniale est altérée par des inexactitudes et l’inapplication de certains principes comptables fondamentaux.
Le montage financier pour l’acquisition des navires, à la complexité soulignée par le précédent rapport de la chambre, emporte une lourde charge d’intérêts qui rend improbable le bénéfice de l’opération de défiscalisation initialement présentée comme avantageuse. La transcription comptable des opérations n’a pas toujours rendu une image fidèle de la situation d’endettement. De plus, l’information budgétaire et financière incomplète ne permet pas d’apprécier entièrement les engagements pris. Le mécanisme de couverture est un montage très complexe. Il comporte des risques futurs illimités et non maîtrisés, pris en contrepartie d’une période bonifiée au bénéfice réduit à chaque renégociation. Une médiation visant à sortir du dispositif est cependant en cours de négociation avec la banque.
L’examen de la commande publique a également montré des marges de progrès. Le recours aux transactions, fréquent lors de la gestion directe, s’est tari. Le SMPAT a dû faire face à plusieurs contentieux dont certains, aux enjeux significatifs notamment en termes financiers, sont toujours en cours et représentent un risque important.
Sur la délégation de service public
La gestion en mode délégué s’est faite depuis mars 2007 sur fond de tensions croissantes entre les parties. Le contrat de DSP, fragilisé ab initio par des défauts majeurs de conception, a été complété depuis par sept avenants, sans pour autant trouver une situation pleinement satisfaisante. L’équilibre du contrat s’est progressivement déplacé au détriment du SMPAT et au bénéfice du délégataire. Aucun rééquilibrage n’a pu intervenir.
La compensation de service public versée au délégataire en contrepartie des obligations mises à sa charge, et notamment sa composante « soutes », a neutralisé une part du risque d’exploitation et contribué à rapprocher le dispositif contractuel d’une régie intéressée. Le processus de détermination du montant annuel, mal conçu initialement et appliqué avec difficultés, a été générateur de profonds conflits, aboutissant à des positions respectives des parties difficilement conciliables. Plafonnée par le contrat, la compensation s’est révélée être en croissance continuelle pendant la période examinée à la suite de dépenses de carburant peu maîtrisées et d’un système de compensation financière intégrale pour le délégataire.
Malgré un dispositif s’appuyant sur l’intervention permanente de prestataires techniques qualifiés, le SMPAT n’a pu s’assurer d’une exécution satisfaisante de la délégation. L’information due légalement et contractuellement au délégant a toujours été considérée comme insuffisante. Les obligations contractuelles, et notamment celles de service public, n’ont pas toujours été scrupuleusement respectées par le délégataire sans qu’aucune pénalité n’ait été appliquée par le SMPAT.
La stratégie opérationnelle et commerciale du délégataire n’a jamais été expliquée et partagée avec le délégant. De plus, on a assisté à un effacement progressif de l’identité du service public par le délégataire. Sur le service principal, le contrôle de la tarification du service « tourisme » a échappé largement au SMPAT, et par là même le contrôle de l’équilibre financier de la DSP. L’offre « fret » est un angle mort majeur, d’une part par l’absence totale de stipulations contractuelles, d’autre part par l’absence persistante d’information sur ce service. Cette situation est d’autant plus regrettable que la performance du délégataire en matière de volumes est réelle, la fréquentation étant en hausse alors que le marché ferry en Manche est en baisse.
Le service annexe, conçu pour contribuer à l’amélioration de l’équilibre financier de la ligne, est l’aveu implicite d’une surcapacité de l’outil. Marqué par une instabilité chronique, il a brutalement abouti à une mise à quai d’un des deux navires sur la longue durée. Il apparaît qu’aucune doctrine d’emploi des navires n’a jamais été établie. La baisse du forfait journalier de location et l’absence de visibilité sur les coûts doivent conduire à une réflexion de manière à éviter un subventionnement de lignes privées concurrentielles.
Le maintien des navires en condition opérationnelle apparaît comme perfectible. La conformité aux lois et règlements maritimes a fait l’objet d’observations par les services d’État, dont certaines peuvent être considérées comme significatives. Les difficultés qui ont émaillé l’exploitation en mode délégué, l’entretien, les réparations et les transformations ont été l’objet de différends entre le SMPAT et le délégataire, notamment à cause d’une communication insuffisante. Les arrêts techniques et l’entretien courant n’ont pas fait l’objet d’une définition conjointe et le SMPAT a émis de nombreuses observations qui n’ont pas été suivies d’effet. Même si les navires ont été fiabilisés par le délégataire, leur état réel reste mal connu du délégant. La gestion des pièces de rechange est insuffisamment performante et sa maîtrise n’a pas été démontrée. De plus, les transformations des navires effectuées par le délégataire n’ont pas été préalablement approuvées par le délégant.
La question des carburants est centrale. La maîtrise insuffisante des consommations et le système de compensation intégrale des dépenses sont responsables d’une large part des évolutions financières de la DSP. Au surplus, les deux navires ne seront plus conformes aux nouvelles normes antipollution entrant en vigueur en 2015, nécessitant des travaux structurels particulièrement onéreux, mais cette échéance n’a pas été réellement anticipée.
La procédure de renouvellement de la DSP en mode régie intéressée a été infructueuse. Si le dossier de consultation des entreprises démontre que le SMPAT a tiré des enseignements de sept années de gestion contractuelle difficile, il persiste cependant des imperfections et des insuffisances dans le dispositif d’encadrement de la relation contractuelle envisagée.
Sur l’examen des comptes de la délégation
L’examen des comptes de la DSP a démontré des insuffisances importantes. Le délégataire s’est toujours soustrait à son obligation de présenter des comptes séparés pour la délégation, et notamment pour le service annexe. L’évolution de la société porteuse de la DSP, initialement ad hoc pour isoler les flux de la délégation, vers une entreprise multiservices pour le compte de sa maison-mère, combinée à une absence persistante de comptabilité analytique, a rendu les résultats présentés peu fiables et leur lecture difficile.
Les différends sur les comptes se sont multipliés entre les parties, les demandes de rectification émanant du délégant ont peu été suivies d’effet. Les travaux de la chambre sur la comptabilité de la délégation soulèvent nombre d’observations. Le contrôle interne est insuffisant, voire défaillant sur un certain nombre de points-clés concourant à l’information financière et opérationnelle. La garantie de l’exhaustivité du chiffre d’affaires enregistré n’a pas été apportée. De plus, les charges imputées à la DSP contiennent des éléments étrangers aux obligations de service public dues à la porosité et à la mutualisation entre les diverses lignes gérées par le délégataire, non tempérée par un suivi analytique rigoureux. La chambre questionne, par ailleurs, certaines pratiques constatées et leur retranscription dans les comptes.
Il résulte de cette situation des risques et des sujets latents que le SMPAT doit mieux appréhender dans la perspective de la fin du contrat en vigueur, et pour alimenter sa réflexion quant au futur de la ligne et des structures associées.
RECOMMANDATIONS
Compte tenu des incertitudes sur le renouvellement de la délégation actuelle, la chambre recommande au syndicat de prendre en compte l’ensemble des observations de ce rapport pour déterminer la suite qu’il entend donner à cette liaison « Transmanche ».