Sort by *
Publications

Publications

Le réseau des chambres d'agriculture depuis leur régionalisation

COUR DES COMPTES

Les chambres d’agriculture, créées en 1851 et devenues dans les années 1960 un vecteur majeur du conseil aux paysans, jouent aujourd’hui encore un rôle central auprès des agriculteurs dans un contexte de transitions économique, sanitaire, environnementale et de souveraineté. Régies par le statut d’établissements publics et gouvernées par des élus, elles regroupent 100 établissements, emploient 8 200 salariés et disposent d’un budget annuel de près de 800 M€, financé pour les trois quarts par des ressources publiques. La Cour des comptes, dans son rapport, porte une appréciation sur leur fonctionnement et leur action, en examinant l’effectivité de leur structuration en « réseau des chambres d’agriculture », leur performance économique et financière, l’exercice des missions de service public, ainsi que la tutelle exercée par l’État. Si des avancées récentes sont à mettre à l’actif du ministère de l’agriculture et de Chambres d’agriculture France, des transformations restent nécessaires afin de renforcer la cohérence du réseau, l’accompagnement des agriculteurs dans les transitions et la responsabilité budgétaire, alors que le nombre de paysans continue de diminuer et que la part de l’agriculture dans le PIB s’est stabilisée à moins de 2 %.

Une régionalisation inaboutie

Depuis 2016, les pouvoirs publics ont poussé les chambres d’agriculture à renforcer leur échelon régional afin de gagner en efficacité, avec le décret du 13 mai 2016 imposant la mutualisation des services supports et la possibilité de fusionner les chambres départementales. En 2025, le paysage institutionnel reste pourtant marqué par des niveaux encore limités et disparates d’intégration : la plupart des chambres départementales ont conservé leur existence juridique pleine et entière et la mutualisation des fonctions demeure inégale et insuffisante. Cinq chambres de région ont bien été créées et certaines régions, comme la Bretagne, la Normandie ou les Pays de Loire, ont expérimenté une organisation plus intégrée, mais ailleurs la réforme se heurte à la persistance du fait départemental, voire à des résistances directes. A l’issue de la période couverte par le contrat d’objectifs et de performance (COP), de 2021 à 2025, la Cour souligne que les dispositions du décret doivent désormais être respectées sans délai et recommande de généraliser les chambres de région avec des chambres territoriales comme outil de proximité, de régionaliser la légitimité électorale et d’engager une réforme du financement par la taxe pour frais de chambres afin qu’elle relève du niveau national, comme dans les deux autres réseaux consulaires.

Une dynamique d’intégration dont la tête de réseau et l’État doivent encore pleinement s’emparer 

Le renforcement de l’efficacité du réseau des chambres d’agriculture passe par celui de sa tête et de ses moyens d’action, ainsi que par l’effectivité de la tutelle de l’État au niveau national et local. L’élaboration en 2019 d’un premier projet stratégique commun et, en 2021, d’un premier contrat d’objectifs et de performance signé avec l’État ont posé les bases d’une intégration renforcée. Depuis 2022, la tête de réseau dispose de compétences juridiques élargies et d’un pouvoir de sanction reconnu par la loi d’orientation agricole du 24 mars 2025, mais elle doit encore mieux faire respecter ses normes, assurer l’unification des systèmes d’information, moderniser la gestion des ressources humaines et immobilières, et développer les incitations financières à l’intégration. Le plein exercice de la tutelle reste un corollaire indispensable : la tutelle budgétaire doit être adaptée aux situations dégradées, la tutelle juridique clarifiée pour s’appliquer plus efficacement, et une tutelle « métiers » doit être structurée autour du prochain contrat d’objectifs. Enfin, une vigilance accrue est nécessaire face aux irrégularités constatées par la Cour, notamment en matière de gouvernance, de subventions syndicales, de participations financières, de fiscalité et de probité.

Des missions à recentrer sur l’accompagnement de l’agriculture française dans les transitions 

Le réseau des chambres d’agriculture exerce aujourd’hui une grande diversité de missions. Celles-ci devront, être recentrées sur quelques priorités claires autour de l’accompagnement des agriculteurs dans les transitions économique, sanitaire et environnementale. En matière de missions de service public, le réseau devra assumer à compter du 1er janvier 2026 de nouvelles responsabilités pour l’identification animale, et améliorer dès le 1er janvier 2027 sa contribution à l’installation et à la transmission des exploitations dans le cadre de France Services Agriculture. Le réseau et la tutelle devront s’assurer des moyens nécessaires à l’exercice de ces missions, en retraçant mieux l’évolution de l’impact de celles qui sont abandonnées ou transférées vers les chambres. Afin de mieux accompagner les agriculteurs dans les transitions, le déploiement d’un conseil global et stratégique, dans le cadre d’une offre nationale de services rationalisée, doit devenir une priorité affirmée du réseau et de l’État. La stratégie numérique devra également s’amplifier, notamment autour du portail « Mes Parcelles », afin de renforcer l’efficacité et la cohérence de l’action. Enfin, le réseau devra mieux répondre aux enjeux environnementaux par un engagement beaucoup plus marqué en faveur de l’agroécologie et de l’agriculture biologique, ainsi que dans la gestion de l’eau et de la forêt.

Une lisibilité financière et une efficience du réseau qui doivent progresser

La situation financière du réseau des chambres d’agriculture reste marquée par un manque de lisibilité et de fiabilité. La Cour a constaté la difficulté à consolider les comptes des différents niveaux malgré les travaux engagés pour automatiser la remontée des données d’ici 2026. Les produits du réseau se sont élevés à 794 millions d’euros en 2023, dont près des trois quarts issus de ressources publiques. Dans le même temps, les charges d’exploitation, dominées par les frais de personnel (56 % en moyenne, jusqu’à 70 % Outre-mer), ne diminuent pas. Si certaines chambres ont dégagé des excédents, près de 42 % étaient déficitaires en 2023. La situation est particulièrement fragile en Corse et Outre-mer, où la conjonction de difficultés structurelles agricoles et de choix de gestion discutables réduit la capacité contributive. Le prochain contrat d’objectifs et de performance devra fixer des cibles plus ambitieuses, garantir une comptabilité analytique fiable, généraliser la certification du service rendu et assurer le suivi des gains attendus de la mutualisation, qui n’a pas encore produit les économies espérées malgré un budget régional en hausse de 50 à 70 millions d’euros par an depuis 2017.

À lire aussi

Les autres publications qui pourraient vous intéresser :